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Luxe & Savoir-Faire

Le blog dédié aux précieux savoir-faire du Luxe, du Parfum et de la Mode.

GUERLAIN, Le légendaire Artisan Parfumeur célèbre ses 190 ans. Rencontre avec son Président, LAURENT BOILLOT

 

 

L’Hymne à l’Amour est à Edith Piaf, ce que l’Hymne à la Beauté est à la maison Guerlain.

Un manifeste, que cette maison française porte au firmament depuis 190 ans !

 

L’univers de Guerlain se compose, à l’instar d’une formule olfactive, de matières précieuses,

d’audace et d’émotions, faisant naître des créations sublimes, devenues références absolues.

 

Celle qui créa l’Eau de Cologne Impériale, pour l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III,

choisira l’abeille, pour parer son précieux flacon.

Une icône, qui symbolisera à jamais l’inspiration de la maison Guerlain.

 

Son histoire unique et fascinante, à la rencontre de l’humain et de la nature,

se joue sur un orgue à parfums, interprétant la partition de l’excellence.

 

A la fois artisan et artiste, l’élégante s’exprime, faisant perdurer

les savoir-faire ancestraux pour mieux sublimer l’air du temps.

 

 Cette magie, est aujourd’hui insufflée par un chef d’orchestre visionnaire,

son Président Laurent Boillot, qui déploie depuis 16 ans, les ailes de cette maison exceptionnelle.

 



RENCONTRE EXCLUSIVE AVEC LAURENT BOILLOT

PDG DE LA MAISON GUERLAIN

 

 

Bonjour Laurent Boillot, et merci de m'accorder cet interview exceptionnel pour Luxe & Savoir-Faire.

La maison Guerlain célèbre, cette année, ses 190 ans.  « 1828 - 2018 Une histoire d’audace créative et de transmission » peut-on découvrir sur votre site internet. Quels sont les éléments qui ont fait le succès de votre maison dès sa création, que l’on retrouve 190 plus tard ?

Le titre de l’émission « Des racines et des Ailes » exprime parfaitement notre mission qui, au-delà de la création, est celle de préserver, de développer et de transmettre un patrimoine exceptionnel. Notre ambition est de transmettre aux générations suivantes quelque chose de plus important que ce que nous avons reçu en termes de qualité et de différences remarquables.

Parmi les différences qui font notre singularité, je citerai en premier les parfumeurs, puisque la maison Guerlain a le privilège de s’être constituée autour d’une lignée de créateurs de parfum. Notre maître-parfumeur, Thierry Wasser a, par rapport à un autre nez,  la connaissance accumulée et transmise par les quatre générations qui l’ont précédé. Il a appris de Jean-Paul Guerlain, qui a lui-même appris de Jacques Guerlain, qui a, à son tour, appris d’Aimé et lui-même de Pierre-François Guerlain. Cette transmission ininterrompue est inestimable et s’exprime de manière  très factuelle dans deux domaines.

Tout d’abord le livre des formules, précieusement conservé dans un  coffre-fort qui garde la trace écrite de 1180 parfums. Grâce à cet ouvrage, on voit se dessiner le style Guerlain, les racines de notre maison que l’on va pouvoir prolonger et déployer. La Guerlinade (thème central des parfums basée sur la variation d’accord des 6 ingrédients fétiches de la maison) est née à l’époque de Jacques. Un parfumeur doit travailler ses gammes, comme en jazz par exemple. Il y a des gammes existantes et puis il y a l’improvisation, celle-ci est permise par l’existence de ces accords prédéfinis. Ce qui autorise beaucoup de liberté. Les racines et les ailes…

Un autre héritage tout  aussi précieux et fondamental est celui de nos filières de matières premières. Guerlain revendique depuis toujours la noblesse de ses matières premières qui ne sont pas toujours naturelles, puisque Aimé Guerlain a crée Jicky, le premier parfum mêlant ingrédients naturels et molécules de synthèse. En révolutionnant la parfumerie, Guerlain a ouvert la palette des possibles.

Pour les matières naturelles, nous utilisons les meilleures. Cette excellence s’explique par la qualité et la pérennité de la relation que nous avons avec nos filières. Pour certaines d’entre elles, comme la Bergamote, la collaboration remonte à plus de 120 ans. C’est une garantie de la qualité de nos parfums tout comme la préservation de la bio-diversité des filières. Il s’agit d’une transmission au cœur de la création.

Chez Guerlain la transmission s’inscrit également dans une démarche « société ». Nous travaillons sur un sujet très important autour de la formation, de la transmission qui sont des sources d’inspiration et d’improvisation nouvelles et offrent des possibilités extraordinaires !

 

La maison Guerlain a créé le Comité Colbert en 1954. C’est dire tout son attachement au Luxe et aux savoir-faire français !

Au-delà de ses jus, elle se distingue par son goût prononcé pour l’art du Flaconnage, à travers des collaborations d’exception avec des maîtres d’art (plumassier, marqueteur de paille, cristallerie…).

La mise en lumière de ces savoir-faire rares et utiles, représente-elle, aussi, une manière de souligner que le compositeur de parfum est un artisan, bien qu’il ne possède pas le statut de métier d’art ?

Nous sommes des artisans car nous fabriquons, mais également des artistes car nous créons. De nombreux parfumeurs passent par des écoles de parfumerie et deviennent de bons évaluateurs, mais ils ne sont pas pour autant des créateurs.

Pour revenir aux racines, la famille des Guerlain faisait le commerce d’épices et fabriquait des pots d’étain.

Dans leur ADN qui préfigure la création de la maison, on retrouve ce goût de la matière rare et du beau contenant. On sent  l’appétence pour la culture en général, et la culture du beau en particulier, et pour l’émotion liée à la beauté. La mise en scène a beaucoup compté, que ce soit à travers l’art du flaconnage ou les boutiques conçues comme des écrins. Contenant et contenu ont toujours été associés.

Depuis une dizaine d’années, nous avons eu envie de nouer des liens avec des artistes qui ont en commun l’esprit de la belle matière, et de jouer des correspondances.   Notre objectif est de travailler ‘Au nom de la Beauté’, qui est notre manifeste, pour des causes plus grandes que nous-mêmes. Ce n’est pas uniquement produire des jus de qualité et des beaux flacons, mais accompagner les artisans et artistes. En faisant cela, nous apportons un éclairage sur des métiers qui ont besoin de visibilité.

Concernant ce statut de métier d’art, nous ne sommes pas dans l’idée absolue d’une reconnaissance artistique. La véritable reconnaissance nous vient de nos clientes depuis 190 ans et c’est la plus précieuse.

 

Par l'artiste JANAIANA MILHEIRO 

Ateliers LEGERON & WALTERSPERGER

 

Thierry WASSER, le nez de la maison Guerlain depuis 2008, succède comme vous l’évoquiez, à quatre générations de créateurs de parfum issues de la famille Guerlain. En quoi ce compositeur est-il l’héritier de cette illustre lignée d’artisans parfumeurs?

 

Les qualités ne sont pas transmises par le nom. Même s’il existe un contexte familial qui est favorable, il n’y a rien d’héréditaire. Thierry Wasser possède toutes les qualités nécessaires pour reprendre le flambeau.

Il est arrivé riche d’un parcours jalonné de succès avec une certaine maturité, ce qui est important. Son expertise était la création et il  a fait preuve de beaucoup d’humilité vis-à-vis du sourcing de matières premières qu’il ne connaissait pas. Sa capacité à s’approprier l’ADN de la maison a été essentielle, tout comme l’est son épanouissement et son indépendance. En réalité, il est tout aussi Guerlain que ses prédécesseurs. Et qui sait si après lui,  il n’y aura pas une sixième génération de Guerlain!

 

L’activité Parfum représente 40% de votre CA, (30% pour le soin, 30% pour le maquillage)

On pourrait classer les créations olfactives de la maison Guerlain, qui ont pour point commun le Made in France,  selon trois catégories : Les parfums grand public, Les Exclusifs et Le Sur-Mesure.

Quelles parts, en CA, représentent ces deux dernières catégories face aux parfums ‘grand public’?

 

Votre segmentation est juste, car elle correspond à des aspirations de clients.

Il y a les parfums grand public parce que largement distribué et à l’inverse il y a les parfums sur-mesure.

Chez Guerlain, l’approche du parfum sur-mesure débute par ce que nous appelons « un divan olfactif », une écoute, une compréhension de l’intime.

Puis entre les deux, il y a les parfums Exclusifs, qui répondent à une demande de personnalisation, sans pour autant aller vers le sur-mesure. Aujourd’hui nous sommes encore majoritairement dans la partie dite « Grand public ». Nous souhaiterions développer la partie sur-mesure, mais n’avons pas les moyens humains pour le faire. Car un travail sérieux de connaissance, de compréhension du client ou de la cliente, demande du temps. Et nous travaillons uniquement avec Sylvaine Delacourte pour la partie « divan olfactif », et Thierry Wasser, pour la partie création du jus. Ce qui, de fait, limite le développement de cette activité, d’autant que sa distribution est elle-même limitée. Les actions que nous menons sont, d’une part, de nous occuper des attentes du grand public, et d’autre part, je souhaite pousser le cœur de nos activités Parfum, dont les « Exclusifs » représente le pinacle. Cela se traduit par un réseau de boutiques « Guerlain Parfumeur », que nous développons dont la boutique « Vendôme », qui est la première, même si nous avions déjà testé le concept auparavant rue Saint Honoré. Nous avons lancé depuis un programme important de déploiement de ces boutiques à l’international  avec 6 ouvertures en 2017, et 12 ouvertures prévues cette année. Ces boutiques montreront avant tout le visage du parfumeur, et feront vivre d’avantage cette notion d’exclusivité et de personnalisation chère à Guerlain.

 

Ces deux segments que sont les Exclusifs et le Sur-Mesure, représentent-ils un levier de développement important sur les marchés émergents, qui ont une approche au parfum différente de celle de l’Occident ?

 

Toutes les entrées sont possibles, mais celle-ci est très intéressante. Prenons l’exemple de la Chine, que l’on ne peut plus qualifier « de pays émergent » d’ailleurs. C’est un pays qui s’intéresse depuis peu de temps au Parfum, dans sa globalité. Il y a toujours eu des élites sociales qui avaient cette connaissance, mais aujourd’hui un intérêt plus général se manifeste. Et contrairement aux idées reçues, en Chine tout le monde ne veut pas porter le même parfum, et uniquement des parfums légers et fleuris, en réalité il y a un véritable intérêt pour cet univers. En Chine, la vitesse intergénérationnelle est très rapide, une génération sur le continent européen représente 20/25ans, en Chine c’est 5 ans. Tout va très vite dans ce pays. Donc l’accès à la culture, la curiosité, fait qu’ils vont très rapidement s’intéresser aux parfums dits « Exclusifs » plutôt qu’aux parfums dits « Grands publics ».

 

Vous évoquiez les boutiques Guerlain exclusivement dédiées au Parfum, un hommage à votre savoir-faire originel. A travers elles, vous proposez également des services de personnalisation, notamment en termes de flaconnage, et une expérience digitale, avec pour objectif d’aider les clientes à identifier leur parfum, parmi vos 111 références. Quel autre rôle le digital pourrait-il  jouer auprès de cet univers olfactif si singulier, dans les années à venir ?

Il jouera le rôle qu’on aura envie de lui donner.

Pourquoi avons-nous créé la première consultation digitale en boutique? Non pas, parce que le digital est à la mode, et qu’il faut absolument aujourd’hui avoir une tablette digitale sur un comptoir. Il y a toujours une écoute de l’offre et de l’économie. Nous avons pris le parti ambitieux de garder en catalogue 111 parfums. Aucune autre maison ne peut le faire. Nous le faisons car nous avons compris que, pour nos clients, retirer un parfum de notre catalogue est une hérésie, car c’est « leur » parfum.

Comme le temps de nos conseillères n’est pas extensible, nous sommes capables, grâce à cet outil, de proposer une première approche très simple. La cliente commence sa consultation avec un choix d’accords, puis termine celle-ci avec trois propositions de parfum. Il y a ensuite un accompagnement personnalisé avec une conseillère. Ce n’est jamais le digital seul. Notre savoir-faire a besoin d’être incarné. Le digital est pour nous un simple outil d’aide à la décision pour nos clients.

 

 

Le Parfum est une forme d’expression de valeurs et d’émotions.

Pour transmettre celles de la maison Guerlain à vos nouveaux collaborateurs, vous avez imaginé un coffret composé d’éléments les symbolisant. Pouvez-vous nous en dire d’avantage?  

 

Tous les collaborateurs qui entrent dans cette maison, ont une formation identique pour comprendre nos racines, et leur permettre de déployer leurs ailes. Donc il y a ce coffret, mais également la présentation d’une frise historique pour connaître les atouts et l’histoire de Guerlain.

La spécificité de cette maison est, que son origine n’est pas uniquement lié au Parfum puisque dès le début, les Guerlain sont aussi chimistes, puis ils sont devenus alchimistes et poètes. Mais en matière de Parfum, c’est l’émotion qui prime. On le voit notamment avec l’importance de la mémoire olfactive. Chacun d’entre nous a une histoire personnelle avec un parfum. Cela ouvre un cercle d’intimité structurant, car ce souvenir est marquant. Donc nous essayons de retranscrire cela, pas uniquement à travers ce coffret, mais aussi par la manière dont nous parlons aux gens.

 

Le rapport au temps est essentiel chez Guerlain, et s’exprime à travers l’artisanat, les cultures de matières premières de qualité, mais aussi le développement durable, sujet qui vous tient à cœur.

Quelle est la philosophie de la maison Guerlain dans ce domaine et vos ambitions pour l’avenir ?

 

Le « temps » est essentiel dans le luxe. Je dis souvent qu’un jour, les chinois créerons des marques de Luxe. Parce qu’il faut, la culture, le savoir-faire, la main, il faut l’imagination, et ils en ont aussi. Et enfin, il faut le temps. Nous, nous avons la chance d’avoir eu Jean-Baptiste Colbert grâce à qui nous avons quelques siècles d’avance, autrement dit le temps nécessaire au développement de tous ces métiers.

Le temps est très important pour le groupe LVMH, nous parlons d’horizons à 15/20 ans. Et au-delà de tout cela, il s’agit du temps de notre planète. Donc effectivement, le développement durable est un sujet que j’ai lancé par intérêt. Parfois il faut se lancer dans quelque chose, sans savoir où l’on va.

Il est vrai qu’il y a déjà dans cette maison une culture de la belle matière, mais sans démarche structurée autour de ce sujet. De l’intuition au travail, on voit tout ce qu’il peut se passer. Nous avons évoqué la biodiversité, il y a le temps des matières et l’on doit s’assurer de toujours pouvoir produire Shalimar avec la bonne bergamote, etc… et pour cela, il faut s’assurer de la pérennité de cette filière. C’est essentiel. Au-delà de cette dimension économique, ce qui a changé notre manière de faire, c’est un temps civique, celui de la planète. Et lorsqu’on parle d’empreinte carbone, il faut agir. Nous faisons beaucoup en matière d’éco-conception, car nous considérons qu’il nous faut réduire notre propre empreinte carbone. Cela prend du temps, demande de la réflexion, car c’est sans compromis avec la beauté de l’objet. Et puis il faut penser à l’impact que cela aura. Nous n’avons pas la prétention de dire que nous allons sauver la planète, mais nous allons contribuer à cela en faisant notre part, et même un peu plus.

Nous avons donc ajouté au temps de Guerlain, une dimension du temps plus large, celui de la planète.

 

La maison Guerlain est également très attachée à l’Art contemporain, puisque vous êtes partenaire de la FIAC depuis 12 ans, accompagnez le Prix du Dessin Contemporain, et vous êtes récemment associée à la Maison Européenne de la Photographie. Comment avez-vous choisi de mettre en lumière ce lien intime entre Luxe et Art, à l’occasion des 190 ans de votre maison ?

 

En célébrant toujours la même chose, et un peu plus... Pour moi, ces 190 ans sont à la fois un événement et un non-événement. Je ne voudrais pas que l’on fasse des choix uniquement pour cet anniversaire et qui n’auraient pas de suite. Les choses sont bien installées : la participation avec la FIAC,  le Prix du Dessin où nous mettons en lumière le travail réalisé par Florence et Daniel Guerlain, perpétuant ainsi l’amour de l’art qu’avait la famille Guerlain, dont certains membres comme Jacques, étaient de grands collectionneurs. Il y aussi l’Art des Mots. Nous avons lancé il y a 4 ans, un concours de nouvelles « Les Abeilles de Guerlain », qui consiste à donner la possibilité à des jeunes talents en herbe, qui n’ont jamais été publiés, l’occasion de travailler sur quelques pages autour du thème du parfum, de la couleur, du toucher ou encore la mémoire olfactive. Ces nouvelles sont d’une richesse absolue.

Nous avons sélectionné fin mars, avec le jury du Prix Abeilles de Guerlain, 20 nouvelles sur le thème des voyages du parfum. Autre événement, en octobre, avec la FIAC. La photo, avec l’excellent Jean-Luc Monterosso. Nous tissons des liens avec l’Art, parce que nous sommes des artistes mais aussi des commerçants. Nous tirons beaucoup d’inspiration et d’élévation de ces sujets-là.

Il y a deux mots qui nous animent dans cette maison, qui sont à la fois fondamentaux et opposés, c’est « l’intime » et « le sublime ». L’intime qui reflète vraiment le parfum, et le sublime qui est un peu « la voûte céleste ». Entre les deux il y a une sorte de mise en tension très inspirante. Je pense que l’Art, nous aide à nous promener entre l’intime et le sublime, et à inspirer nos équipes, tout simplement.  

 

 

Un grand merci à Monsieur Laurent BOILLOT pour cette interview Luxe & Savoir-Faire.

 

Crédit Photos: www.guerlain.com

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